Les étangs de Perruchet.
A 40 ans,une méchante hépatite me met à bas. Je ne vais pas vous embêter avec le détail mais les médecins me disent clairement que j'étais passé fort près du trou et que je pouvais considérer que ce que j'allais vivre dorénavant ce serait du rab !!
Bref me voilà en convalescence pour 6 mois et je m'installe dans la propriété normande de mon père: J'ai perdu 20kg, il me faut faire une pause de 5 minutes, à mi-parcours, pour franchir les 30m qui séparent la maison du portail mais j'ai la foi: ça va revenir !
Au printemps je vais souvent pêcher la carpe au bord de la rivière. J'y rencontre un autre pêcheur qui vient de se faire poser un pacemaker
: C'est la cour des miracle ce bord de rivière!
C'est aussi un chasseur et, en juillet, il me fait inviter à l'ouverture aux canards, sur ces étangs de Perruchet. Comme les invités sont interdits par le règlement, le jour de l'ouverture, Je suis censé être l'invité du président, pour faire travailler mes 4 chiennes (mais je dois avoir mon arme dans l'auto, au cas où....
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Le territoire de chasse se compose de deux grands étangs (17 et 55 ha) et 3 petits étangs. de nombreuses sources alimentent tout ça en eau fraiche. Autours, bois, haies et herbages.
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Mes chiennes (qui n'avaient pas chassé depuis huit mois)ont fait, ce jour là, un boulot splendide. Bien sûr, l'après midi j'ai eu droit au fusil. le soir pendant l'apéro et la distribution du gibier (350 pièces, essentiellement colverts mais aussi milouins, quelques morillons, souchets, sarcelles) j'ai demandé l'autorisation, avec les chiennes, de faire le tour du grand étang chassé l'après midi, pour récupérer les blessés, dans les roseaux de bordure. Aidé par trois gamins j'ai encore ramené 35 désailés ! J'avais réussi mon examen de passage: je fus déclaré invité permanent du président (situation bien précaire que j'ai vite régularisé en payant mon action mais mes chiennes m'ont permis de trouver une place dans cette chasse où la liste d'attente était longue).
J'y ai chassé 15 ans. A Perruchet, je tirais entre 1000 et 1500 cartouches/an: On était visité par les oies deux fois par an, en octobre et fin février. Le tableau annuel était de 2500 à 3000 becs plats ( 2000 CV locaux et migration, de 500 à 1000 autres becs plats, Milouins, sarcelles, morillons, pilets, souchets, chipeaux et, très rarement, un siffleur ou deux). Les foulques c'était selon les années. J'ai vu des saisons avec 6 où 700 judelles au tableau et d'autres avec moins d'une dizaine de blairies.
J'y ai tué aussi des sangliers, chevreuils,lièvres, d'innombrables lapins, beaucoup de grives et des pigeons, des bécassines et d'autres espèces de becs pointus , de nombreux nuisibles aussi.
Maintenant quelques anecdotes de chasse à Perruchet:
Nous sommes en novembre 88, un dimanche vers le milieu du mois. Un ami avec qui je pêche en mer m'a demandé de venir l'aider à relever son tramail car un méchant coup de vent de NE s'est levé dans la nuit. J'emmène mon fils (16 ans, premier permis de chasse
) qui est en week end chez moi et nous rallions Port Guillaume. Ca vallait le déplacement car dans son filet il y a 2 belles seiches, 13 grosses soles (dont la plus petite dépasse le kilo) et un turbot de 4 kg !! Mais surtout nous assistons à un spectacle exceptionnel: La mer est couverte de canards; où qu'on regarde, de gauche à droite, c'est noir de becs plats! Je décide mon copain de nous accompagner demain (à Perruchet on chasse le lundi). Notre plan est vite dressé: On retourne chez moi pour diner (à cet effet on emporte 3 de ces belles soles
) et dormir. Demain matin, il nous restera une petite cinquantaine de km à parcourir pour être à Perruchet.
Effectivement, le lendemain, il y a 300 à 400 canards sur Theillay, l'étang du haut (17ha), bien à l'abri du vent. Comme la masse des CV locaux a été décimée, qu'il fait froid et qu'il bruine il n'y a pas grand monde: 5 moins de 50 ans et 4 plus de 60 ans. Les 4 "vieux"
décident de rester sur la route qui sépare les 2 grands étangs et , au pas de gymnastique, j'emmène les 4 "jeunes" vers la queue de l'étang où la masse des canards barbotte. Au passage je place mon fils et sa chienne dans une anse, où il sera tranquille. Nous on s'aligne, tous les 25m jusqu'au fond de l'étang.
C'est mon fils qui a ouvert le bal en basculant un superbe mâle de pilet. A son tir tout s'est envolé et ils devaient être bien fatigués ces becs plats car ils revenaient sans cesse pour se reposer au même endroit. ca tombait comme à Gravelotte. Personnellement j'ai tué une demi douzaine de pièces avant de m'occuper à plein temps des chiennes: En 1/4 d'heure il y a eu 35 canards au tapis (I4 chipeaux, 8 pilets, 13 sarcelles). A la route ils n'ont pas tiré! Ca faisait grise mine quand ils ont vu notre tableau (à Perruchet, passé 'le 1er novembre on chassait chacun pour soi), mais les sourires sont revenus quand j'ai annoncé qu'il y aurait un partage
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Les oies.
Le président de Perruchet m'a toujours autorisé, la dernière semaine de février, d'affûter les oies tous les soirs. Ca permettait à mon fils, alors en vacances scolaires du Mardi Gras, de m'accompagner et j'espérais bien, en cette fin février 88 lui en faire tirer une.
Depuis 3 jours c'était échec sur échec: pas une oie! Le lendemain, un jeudi, j'ai rendez vous avec mon comptable à Honfleur à 14h. Il est exact, comme d'hab. et en 1h on expédie le boulot. Aussitôt mon fils me tanne " papa, on y va! STP". Bon je déchaine le moteur du break qui avale les 100 km de petites routes. A la maison on embarque les chiennes, le matos, les fusils et c'est reparti pour 50km. les jours sont courts en février, à notre arrivée la nuit tombe: Vite, à nos postes. Sur la digue, j'arrête mon fils: J'entends des oies!
Effectivement une douzaine de ces oiseaux descend de la plaine pour poser,mais nous ont elle repéré, ou les chiens, elles tournent et repartent dans la plaine.
Mon fils est horriblement déçu! Vite , plaçons nous , elles vont revenir: Elles ont soif!
Effectivement 20 minutes plus tard on les entend à nouveau mais alors qu'on les attendait sur la même trajectoire de vol que la 1ère fois, elles m'arrivent par la gauche, au dessus d'un bosquet, à 25-30m, toutes chantantes. Je me retourne vite fait, attaque le gros jars de tête au coup du roi (pour essayer de détourner les suivantes vers mon fils) mais tout se passe différemment: Je vois ma 1ère cible encaisser mon coup de 4 comme un boxeur accuse un crochet au foie et hélas, les autres m'évitent par le mauvais coté. Très vite je refais 1/4 de tour à gauche et tire une autre oie: Là mon coup de 2 la plie net; Quel Plouff
. Ma dernière vision c'est le volier qui disparait dans la nuit au dessus de la forêt alors que ma 1ère oie s'est détachée du groupe et pique vers la plaine.On récupère l'oie qui flotte, je la confie à mon fils ainsi que mon arme et je sors sur le chemin communal qui ceinture le territoire.
Devant moi j'ai un fossé de drainage infranchissable et derrière un champs de blé (10cm de hauteur) à perte de vue! Et le vent est mal placé en plus.et il fait nuit à présent. Bon, 300m de détour pour trouver un passage et je crapahute en direction (supposée) de la chute. Je fais quelques centaines de mètre et je vais jeter l'éponge quand je vois une tâche blanchâtre, au loin dans le blé. J'envoie un chien et j'ai le bonheur de le voir saisir "mon"oie
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Le retour fut joyeux. Quelle chance d'avoir retrouvé ce jars. Mort sur le ventre il aurait été perdu !
Après plumage et autopsie il avait 7 plombs de 4 dans les magrets. Un 8ème, sous le sternum avait pénétré et causé l'hémorragie mortelle. Depuis j'ai abandonné le 4 pour le 2 ou plus gros
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Les sangliers.
Au début des années 90 Perruchet fut vendu; Pour moi ce fut un choc.
Par mes relation je fis la connaissance du nouveau propriétaire et il eut la gentillesse de m'inviter régulièrement. Un jour, alors que les étangs étaient en pêcheries il observa dans la vase de nombreuses empreintes de sangliers. Aussitôt il décida de chasser ce gibier le lundi suivant. Nous étions 5 fusils. Un devait marcher et rabattre avec ses deux chiens, moi je devais poster 3 fusils aux meilleures refuites et me placer à un poste où les sangliers se défilaient volontiers sans qu'on puisse les tirer sans danger pour les autres postés; Bref je servais d'épouvantail
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Le chasseur-rabatteur se met en marche explorant consciencieusement, pendant près d'une heure, les roseaux, les ronciers, les moindres touffes d'aulnes ou de saules. Il va arriver sur moi,je le vois sortir du bosquet clair qui me fait face pour donner un dernier coup de botte dans un minuscule roncier qui dépasse de petits joncs quand ses chiens se mettent à l'arrêt, tout hérissés: Et tout s'emballe!
Le chasseur pose un pied sur les ronces qui se mettent à s'agiter, il lâche un coup de fusil sur quelques masses brunes qui en sortent,je vois dans le bois clair 3 beaux cochons qui se dirigent sur moi et je tire une balle en l'air: Ils stoppent, je me montre en bougeant et je les vois, avec satisfaction, prendre la direction du piège qui leur a été tendu. Deux tirs mettront fin à cette chasse.
Devant la houblonnerie qui sert de rendez vous nous passerons le reste de l'après midi à écorcher, vider et fendre en deux les trois cochons de 50kg tués ce jour là.