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Guillaume avait soif et cherchait par tâtonnement de sa main droite, la gourde qui devait se trouver à côté de lui, sur le siège passager. Mais à peine l'avait-il saisie qu'une masse rousse surgit devant la voiture. Une seconde plus tard, il écrasait la pédale de frein. Les pneus de la voiture crissèrent, le bruit horrible, mais la collision fut inévitable. Il serra ses dents et tirait le volant vers lui, comme pour stopper le véhicule. Après le choc, l'animal continua inexorablement sa course. Le conducteur, qui le suivait des yeux, le suivit et le vit s'effondrer dans le fossé, à droite de la voiture. Contrairement à l’animal l’automobile fit encore soixante mètres et s'arrêta enfin.
Encore sous le choc, Guillaume demeura quelques instants dans sa voiture avant de sortir. Les yeux écarquillés par la surprise, il tenait son siège de ses deux mains et respirait très vite. Une fois calmé il sortit en pestant contre ce maudit chevreuil. Pourquoi avait-il eu l'idée de traverser juste devant sa voiture ? Il aurait très bien pu attendre un petit peu et traverser la route après ! Mais non... Il avait payé son impatience de sa vie, tant pis pour lui ! Vraiment il manquait plus que cela ! La journée ne pouvait pas se terminer plus mal encore ; il fallait qu'il soit retardé à cause de ça !
Il souffla d’énervement en passant devant sa voiture. Il espérait qu’elle n'ait rien de trop grave et qu'ainsi il pourrait repartir. C’est tout ce qui comptait pour l’instant. Il s'occuperait de l'animal plus tard. Il avait juste repéré l'endroit où il avait supposé que l'animal était tombé. De toute façon il ne pouvait maintenant plus rien pour lui.
Le chevreuil étant venu de la gauche, Guillaume s'empressa d'observer son bloc lumineux avant gauche. Il n'y avait pas grand-chose de ce côté. Par contre le pare-buffle et le bloc lumineux droit avaient pris un sacré coup. Le pare-buffle et le capot étaient enfoncés. La plaque d'immatriculation de la voiture pendait. Et le plastique du bloc lumineux était complètement détruit. Quel malheur ! Le jeune homme réussit à arracher d’un geste brusque la plaque. Il se disait qu’un peu plus ou un peu moins ne changerait plus rien. Par contre il savait qu'il ne pouvait rentrer comme cela, mais il ne voyait pas non plus quelle autre solution il avait. Pour sûr, demain matin il irait chez le garagiste et espérait que ce dernier pourrait le recevoir.
Le jeune homme s'était ensuite accroupit devant la voiture pour regarder par-dessous, lorsqu'il entendit un bruissement de feuilles au bord de la route. Il releva la tête, mais ne voyant rien qui puisse l'inquiéter outre mesure, reporta son attention sur la voiture.
Cinq minutes plus tard il se releva totalement. Il n'était pas très content d'être rentré dans ce chevreuil, mais était soulagé de savoir qu'il pourrait quand même repartir. Les pièces motrices n’étaient pas touchées et il y avait juste de la carrosserie à réparer. Il alla couper le contact et mettre les warning. Et le cœur un peu plus léger ainsi qu’une lampe de poche à la main, il se dirigea vers l'endroit qu'il avait repéré. La nuit était calme et l’air doux. Guillaume aurait tant aimé en profiter, mais il était quelque peu pressé de rentrer chez lui.
Il marcha pendant deux minutes jusqu’à arriver au lieu-dit. Cependant à l'endroit où devait se retrouver l'animal, il ne restait plus qu'une grande flaque de sang. Tétanisé, il ne croyait pas que l'animal se soit envolé par magie. Car il semblait s'être bel et bien envolé. Il n'y avait pas de traces de pas autour de cette flaque. Sinon sa lampe de poche les aurait révélés sans problème. Guillaume sonda les environs en quête de traces de sang, mais il ne trouva rien du tout. Pas une goutte. Il se dirigea vers l’endroit de la collision. Il y avait une petite goutte de sang ; elle était probablement due à une blessure faite lors du choc. L’animal avait dû imploser avant d’aller mourir dans le fossé et de se vider de son sang par cette blessure. De plus, comme le témoignait l’état de sa voiture, il avait dû taper l’animal en plein sur le côté. Il avait peut être reconstitué la scène, mais cela ne lui expliquait en rien comment le chevreuil s’était volatilisé.
Il cligna plusieurs fois de suite et se pinça même une fois le bras afin de s’assurer qu'il ne rêvait point. Il traversa la route encore maintes fois et décrivit ensuite un cercle de 10 mètres de rayon autour de la tâche de sang, mais en vain. Il recommença ce manège pendant 20 minutes avant de se rendre à l'évidence que l'animal mort avait pourtant pris la poudre d’escampette. Finalement Guillaume décida de retourner auprès de sa voiture et de continuer sa route. Il avait assez perdu de temps comme cela et sa femme devait maintenant se faire du souci. Pauvre Joëlle...
Mais toujours inquiet, il scruta la forêt avant de remonter dans sa voiture. Quelques instants plus tard le moteur brisa le silence de la nuit par ses ronflements et les phares illuminaient à nouveau la route devant lui. La plaque d'immatriculation posée à côté de lui, Guillaume repris son chemin, incognito.
DéeSse